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Mr le Président, vous n’en avez pas le droit ! (Par Aliou Faye)

Depuis un certain temps, le Président Macky Sall et certains de ses partisans soutiennent avoir droit à un autre mandat. De bonnes ou de mauvaises fois, ils se basent sur des arguments juridiques non fondés.
Dans un entretien avec L’Express publié le 20 mars dernier, le Président Macky Sall réaffirme sans ambages la recevabilité de sa candidature pour un troisième mandat en ces termes : « Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps. J’ai été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. En 2016, j’ai proposé le passage au quinquennat et suggéré d’appliquer cette réduction à mon mandat en cours. Avant de soumettre ce choix au référendum, nous avons consulté le conseil constitutionnel. Ce dernier a estimé que mon premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée de la réforme. » Mais en réalité, le Président Macky Sall fait une mauvaise interprétation de cette décision.
En effet, cette réponse apportée par le conseil constitutionnel portait sur la question relative à la réduction du mandat en cours. Le Conseil avait alors, dans les motifs de sa Décision n° 1/C/2016 du 12 février 2016 répondu que « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle. En conséquence, la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la République ne peut pas s’appliquer au mandat en cours. » Ainsi, il apparaît clairement que le conseil vise le caractère intangible du mandat.
L’intangibilité du mandat renvoie à sa fixité et à l’irrévocabilité de sa durée. Néanmoins le
mandat demeure. Mieux encore il reste soumis aux autres dispositions de la modification
constitutionnelle.
D’autres évoquent la jurisprudence Abdoulaye Wade qui ne peut, non plus s’appliquer en
l’espèce. En effet, à l’époque, l’article 27 de la constitution disposait : « La durée du mandat du Président de la République est de 5ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. » La question qui alors s’était posée, était de savoir si l’alinéa 2 de cet article excluait le mandat de sept ans en cours au moment de la modification en 2001. Sur cette équation, les dispositions transitoires rajoutent du poil sur la bête. Car l’article 104, en disposant que « Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme » semblait exclure le mandat en cours. De ce fait, la modification sur la durée allait entrer en vigueur à l’épuisement du mandat de sept ans.
Saisi sur la question, le Conseil constitutionnel, par sa DÉCISION DU 29 JANVIER 2012
valide la candidature du Pdt Wade au motif qu’à travers l’article 104, le constituant a placé
hors du champ d’application de la réforme, le mandat en cours, dès lors, ce mandat ne pourrait faire partie du décompte. En ces termes, il retient : « …le mandat écarté sans équivoque par l’article 104 de la Constitution ne peut servir de décompte référentiel ».
C’est d’ailleurs dans le but de s’éloigner de cette imprécision que la réforme de 2016 a
fondamentalement modifié le contenu, tout en enlevant les dispositions transitoires. Ainsi,
l’art 27 modifié dispose que « La durée du mandat du président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. » Mandats consécutifs étant des mandats qui se succèdent sans interruption. Mieux encore, le texte ne singularise pas le mandat comme c’était le cas en 2001.
Ainsi, nonobstant le fait qu’il s’agit toujours de la même constitution qui avait déjà limité les mandats à deux, aucune décision du Conseil Constitutionnel n’a légitimé une candidature pour un troisième mandat ; mieux encore la formulation actuelle de l’article 27 de la constitution est assez explicite.

Aliou Faye
Juriste

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