En 1951, Cheikh Anta DIOP était si jeune (seulement 27 ans) mais déjà si notoire. Le jeune étudiant d’origine sénégalaise de l’université de Paris vient de boucler une thèse révolutionnaire sur le sujet : «De l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’Aujourd’hui». Il y démontrait en effet que la civilisation égyptienne qui a tant apporté au monde, était noire, qu’elle était antérieure à toutes les autres et que ses vestiges sont encore présents dans la plupart des communautés africaines contemporaines. Ces mêmes communautés qui étaient à l’époque colonisées et dominées.
Scandale absolu dans le monde académique! La thèse est refusée sans même avoir pu être soutenue. De fait, les scientifiques de l’époque ne se bousculaient pas pour siéger dans le jury de soutenance. Mais personne n’était dupe : « la science », essentiellement blanche, n’était pas disposée (l’est-elle aujourd’hui plus qu’hier?) à accepter une vérité qui débarquait avec deux péchés capitaux : non seulement elle osait remettre en cause toutes les théories suprémacistes ayant justifié la traite négrière, le colonialisme et le racisme anti-noir, mais pire, cette vérité était la fille d’un n€gre colonisé. Aujourd’hui, Cheikh Anta Diop aurait été traité de « complotiste » et lynché dans les médias et dans les réseaux sociaux non seulement par les auteurs des théories que ses travaux contestaient, mais également par des escadrons de n€gres de service qui se feraient un plaisir jouissif de se payer une cible n€gre que des « blancs » ont désignée.
Mais revenons au sujet. Le jeune chercheur sénégalais ne s’était pas retrouvé seul face à ses contempteurs. Aimé Césaire qui était alors l’une des figures les plus charismatiques de la lutte pour la dignité des peuples noirs, lui propose de contourner la censure académique en publiant sa thèse sous la forme d’un livre. En 1954 parait alors « NATIONS NÉGRES ET CULTURE » aux éditions Présence Africaine dirigées à l’époque par un autre rebelle intellectuel panafricaniste Alioune DIOP.
Le livre rencontre un succès retentissant et le jeune savant panafricaniste est invité partout dans le monde pour animer des conférences et présenter les résultats de ses travaux. Face à un tel succès, l’université de Paris se résout à réunir enfin un jury en 1960 (année des indépendances des colonies d’Afrique) et la thèse la plus médiatique de toute l’histoire de l’université française fut acceptée avec une modeste mention honorable, mais acceptée tout de même.
Comme dans un baroud d’honneur (ultime combat d’une cause perdue), l’auteur de la page Wikipedia de Cheikh Anta Diop lâchera que «la plupart de ses théories sont démenties par la recherche moderne», sans daigner indiquer lesquelles.
Les complexes ont la peau dure.