Imam Alioune Badara Ndao était l’invité « Demb ak tay » de Rewmi FM. Dans cet entretien exclusif dénué de toute langue de bois, imam Ndao se raconte dans les tourments de sa vie en prison et de son arrestation musclée à son domicile à Kaolack. Il rejoue, avec amertume, le film de son arrestation et de son grand procès. Le plus grand procès sur le terrorisme au Sénégal. Imam Ndao se livre en long.
Imam Alioune Badara Ndao symbolise le visage d’un feuilleton judiciaire inédit au Sénégal, sur fonds de terrorisme et de liens avec les organisations Daesh et Boko Haram. Le prédicateur, détenu en prison depuis plus de deux ans pour apologie au terrorisme puis libéré après un long procès se confie sur son arrestation et les difficiles conditions de vie carcérale. « Je ne saurais vous donner la vraie raison parce que moi-même je ne la connais pas ; cette histoire est très floue. J’avais lu dans Jeune Afrique un article qui parlait de moi et dans lequel il était mentionné que je prétendais enseigner le Coran dans un Daara qui n’avait quasiment pas d’élèves et je me servais de ses jeunes talibés comme couverture. Mais aussi que j’étais quelqu’un qui voyageait beaucoup et qui entretenait des rapports avec des terroristes dans la sous-région et du monde entier. Ces dires sont totalement faux. En dehors de mon cursus scolaire en Mauritanie, je n’ai jamais quitté le sol sénégalais. On m’a collé toutes sortes d’étiquettes et inventer toutes sortes de vie. Le pire dans tout ça, c’est que le magazine Jeune Afrique a marqué dans son article que la France avait déployé une unité spéciale qui était rattachée au ministère de l’intérieur à l’époque ou Abdoulaye Daouda Diallo était à ce poste. Au bout de 6 mois d’investigation, cette unité spéciale a, d’après leurs dires, trouver des preuves contre moi. D’où la raison de mon arrestation », a-t-il confié.
Imam Ndao rembobine : « C’est la France qui est derrière toute cette histoire. Je ne fais qu’exécuter ce que demande le bon Dieu et de façon légale, je ne suis lié à aucune force occulte, encore moins reçu de financements de la part de qui que ce soit. Les gouvernements français et sénégalais sont à l’origine de tout ce qui m’est arrivé. Ils se sont ligués contre ma personne et je trouve cela très minable. »
Le film de l’arrestation
« Quant à mon arrestation, ils sont venus me cueillir entre 2h et 3h du matin chez moi. Ils ont défoncé la porte puis terrorisé les enfants », déclare-t-il. Avant d’ajouter : « avec tout le boucan, j’ai pensé au début que c’était des bandits qui venaient pour dévaliser le Daara. Je me suis mis dans un coin de ma chambre à les observer. Ça a duré un moment puis je suis sorti et suis allé à leur rencontre. Et l’un d’eux s’est présenté à moi comme gendarme. » « Le terrorisme existe bel et bien au Sénégal, et c’est ce qu’on a fait avec moi ! En plus de m’avoir terrorisé, ils ont fait la même chose avec mon entourage, mes sympathisants, les sénégalais, au point où plus personne n’osait s’exprimer.
« Mon discours dérange »
« Ce qui les dérange ce sont mes discours. La preuve au Camp-Pénal ils ont même été jusqu’à me demander si je serais prêt à changer mes discours en échange de ma liberté. Mon discours gêne », a fait savoir Imam Ndao. « A la Section de recherches, révèle-t-il, ils m’ont enfermé dans une petite cellule non éclairée ; j’y ai vécu toutes sortes d’émotions. » « Quand ils m’ont demandé si je connaissais la raison de mon arrestation, je leur ai répondu que non. Et c’est par la suite qu’ils m’ont révélé que j’avais créé une cellule terroriste en Afrique et dans la sous-région afin d’y mener des actions. Ils avaient saisi mon ordinateur et fouillé tous les fichiers mais, ils ne trouvaient rien qui disait que j’étais mêlé à une quelconque affaire de terrorisme. Tout ce qu’ils ont vu par la suite ce sont des films, des documentaires en rapport avec le terrorisme après c’est normal parce que je suis une personne qui, de nature, aime se cultiver. Et j’ai jugé nécessaire de me renseigner sur le sujet. Ce sont ses films et documentaires qui leur ont servi de « preuves ».
Sa vie en prison
« Je rends grâce à Dieu et j’ai vécu la prison en tant que croyant car je m’y attendais et je m’y suis préparé. Quand j’étais encore au Camp-Pénal, un psychologue est venu me voir pour une consultation et je lui ai fait savoir que tout allait bien et que la prison n’avait pas affecté mon moral. J’étais seul dans ma cellule et ce n’était pas facile mais je tenais le coup. J’avais comme seul compagnon : Dieu. » Il poursuit : « en prison, ils me mettaient des enregistrements de moi qui datait de longtemps. Ils encensaient la cellule d’un produit nauséabond que je ne saurais décrire. Et tout ça, pour me déstabiliser. Je me faisais insulter à tout va. Ils voulaient que je craque, mais grâce à Dieu, j’ai tenu bon. Ça me faisait plutôt rire. J’ai avalé des couleuvres à la prison et j’ai vu et entendu toutes sortes de choses. Je n’ai jamais eu de problèmes de santé durant tout mon séjour carcéral et j’en rends grâce. »
Le déroulement du procès
« Lors de la première séance au tribunal, j’étais ébahi au moment où on listait les chefs d’accusation à mon encontre. Je me suis demandé s’il s’agissait bien de moi. Je ne savais rien de ce qu’ils disaient, ils m’ont « inventer une vie », s’offusque-t-il. « Les accusations étaient tellement graves que ça a choqué toutes les personnes présentes au procès ce jour-là. Mes avocats ont travaillé bénévolement et il faut que cela se sache. J’ai été interrogé puis entendu, il y a eu des juges cléments et je trouve que c’est une bonne chose. Pour ce qui est de mes co-accusés, il y en a qui sont toujours en prison. Il y en a que je ne connais même pas. Il a même été dit que j’ai formé l’un deux. » « Un jour le directeur de la prison et feu Juge Samba Sall m’ont convoqué afin de recueillir mes doléances. Je leur ai répondu que je n’attendais rien d’eux et ils m’ont fait retourner dans ma cellule », révèle le prédicateur.
Loi sur le terrorisme
Sur la loi sur le terrorisme, Imam Ndao invite les Africains de faire très attention à cette loi, parce qu’une académie internationale a été implantée au Côte d’Ivoire. « Ils veulent une recolonisation et ces gens sont formés par des hauts fonctionnaires. L’idée c’est de les formater et de les faire réfléchir comme les français. Je trouve ça malheureux. » « Cette loi est une réponse à celle portant sur la criminalisation du Lgbt. Mais ce ne sera pas chose facile, car les Sénégalais sont désormais éveillés. Et avec les réseaux sociaux, ce n’est pas gagné d’avance.