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Les scandales sur les plateaux de télévision : ignorer son passé, c’est courir à sa perte (Par Mamadou Diop Decroix)

Dans la dernière période et de façon récurrente, de malheureux dérapages (pour dire le moins) ont été observés sur des plateaux de Tv et d’autres medias. L’opinion s’en est indignée et a parfois exigé des sanctions. Mais ne devrions-nous pas approfondir la question ? Certains s’étonnent que soient invités sur les chaînes de télévision des personnages burlesques qui débitent toutes sortent de sornettes et de contrevérités. Mais en allant un peu plus loin on s’aperçoit pour s’en étonner que c’est ce type d’acteurs qui font ce qu’on appelle le Buzz avec des dizaines et des centaines de milliers de vues. Pourquoi ? C’est la question à laquelle il faut répondre. Je présume pour ma part que le délitement des référentiels y est pour beaucoup. Je discutais l’autre jour avec quelques camarades étudiants de l’histoire du mouvement étudiant sénégalais des années post indépendance. Ils m’ont avoué qu’ils n’ont jamais entendu parler de mai68, ces événements qui ont secoué le régime du Président Senghor jusque dans ses fondements politiques, culturels et civilisationnels, qui a porté la contestation du système néocolonial français à des niveaux très élevés. Ils m’ont ensuite avoué qu’ils n’ont jamais entendu parlé d’Amilcar Cabral, leader historique et porte étendard de la lutte de libération nationale de la Guinée et du Cap-Vert, un penseur révolutionnaire de premier ordre assassiné par les colonialistes portugais en 1973 à Conakry.
Qu’en est-il donc de Cheikh Anta Diop ? Ils en entendent parler mais il n’est pas enseigné à l’université donc ils ne le connaissent pas véritablement. La liste n’est pas exhaustive parce que je n’évoque pas les référentiels de la résistance culturelle et idéologique religieuse qui a aussi constitué une préoccupation constante du pouvoir colonial. Pourtant mes interlocuteurs étaient l’un, en master2 d’histoire et l’autre, en 7ème année de médecine. Lorsque j’ai raconté cette anecdote à un proche, il me fit savoir qu’un haut cadre de la société où il travaille, voyant sur sa table le célèbre ouvrage du Professeur Cheikh Anta Diop intitulé « Nation nègre et culture » lui demanda qui était ce romancier
qui s’appelle Cheikh Anta Diop. Il s’est avéré que ce jeune sénégalais, ayant étudié à l’étranger et bardé de diplômes n’avait jamais entendu parler de ce savant sénégalais de renommée mondiale qui a démontré que l’être humain était apparu d’abord en Afrique et était noir et que la civilisation humaine a été d’abord portée par les africains, noirs.
Si de tels jeunes ayant acquis un haut niveau d’études en sont à ce niveau d’ignorance, quid alors de l’écrasante majorité de la jeunesse sénégalaise ? Une jeunesse coupée de son passé et donc, pour l’essentiel, sans ancrage historique, sans référentiel donc vouée aux jeux des vents de tous bords.
Il faut situer la faute. Elle est exclusivement du côté de l’État (à travers tous les régimes qui se sont succédés) qui n’a pas rétabli les vérités historiques, qui n’a pas fait réécrire nos livres d’histoire pour abreuver la jeunesse de ces sources fécondantes et vivifiantes qui produisent des générations qui ont foi en elles-mêmes, qui sont fières de leur être et qui défient les montagnes.
Le déclic peut cependant venir de partout. La coupe d’Afrique des nations de football remportée pour la première fois de notre histoire et la dernière qualification à la phase finale de la coupe du monde au Qatar où nous irons avec des ambitions fortes et justifiées sont perçues comme la preuve que personne d’autre ne détient notre avenir ni notre devenir si nous décidons de nous prendre nous-mêmes en charge.
Serons-nous capables d’accompagner ce courant pour bâtir de nouvelles formes de conscience capables de porter les ruptures nécessaires ? Tout cela devrait commencer à mon sens par un aggiornamento communicationnel.
Les fils de ce pays qui peuvent nous aider dans ce domaine par leur expertise et leur expérience devraient s’y mettre sans délai car il se fait tard. Qu’ils nous proposent les termes de référence de cette catarthis qui brisera les chaînes de l´ignorance. Cette catharsis à laquelle appelait Al maktoum : « na ñu sàng réew mi » avant qu’il ne soit trop tard.
Mamadou Diop Decroix

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