Le phénomène des enfants de la rue inquiète plus d’un. Dans un rapport rendu public, l’Ong Human rights watch et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains ont décelé des cas d’abus incontrôlés dans les écoles coraniques plus communément appelées « Daaras ».
Ce rapport de 10 semaines de recherche sur le terrain menées au Sénégal entre juin 2018 et janvier 2019, sur des entretiens téléphoniques de mai 2018 à mai 2019, ainsi que sur des informations provenant de sources secondaires crédibles, notamment des documents judiciaires et des reportages dans les médias. Selon le rapport « Human Rights Watch a interrogé plus de 150 personnes, dont 88 anciens et actuels talibés , 23 maîtres coraniques , et des dizaines de travailleurs sociaux sénégalais, spécialistes de la protection des enfants, des militants et des représentants du gouvernement« .
Les régions visitées
Le rapport documente également des abus perpétrés à l’encontre de talibés dans huit des 14 régions administratives du Sénégal (Dakar, Diourbel, Fatick, Kaolack, Louga, Saint-Louis, Tambacounda et Thiès); et un chercheur s’est rendu dans quatre de ces régions: Dakar, Diourbel, Louga et Saint-Louis.
Ces chiffres qui font froid dans le dos
Les enquêtes menées estiment que « 61 cas de passages à tabac ou d’abus physiques ; 15 cas de viols, tentatives de viols ou abus sexuels ; 14 cas d’enfants séquestrés, attachés ou enchaînés dans des daaras ; et un recours généralisé à la mendicité forcée et à des actes de négligence« .
« Des enfants talibés traînent dans les rues, sont victimes d’exactions choquantes, et certains meurent des suites d’abus et d’actes de négligence », a affirmé Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités sénégalaises se disent engagées à protéger les enfants et à éliminer la mendicité forcée des enfants, alors pourquoi un si grand nombre de daaras dangereux ou caractérisés par l’exploitation ou d’autres abus continuent-ils d’opérer ? »
A côté des « bastonnades », place au viol
Des cas d’abus sexuels et de viols de garçons et de filles talibés par leurs maîtres coraniques ou leurs assistants – les « grands talibés » – ont été documentés dans les régions de Dakar, Saint-Louis, Diourbel, Kaolack et Fatick. Un garçon d’une quinzaine d’années qui s’était enfui de son daara dans la région de Diourbel, a expliqué qu’il avait assisté à des abus sexuels perpétrés par des grands talibés à l’encontre d’enfants plus jeunes. « S’ils refusaient, les grands talibés les tapaient. Les victimes avaient environ 11 ans », a-t-il déclaré.
La traite des talibés, un réel danger!
Les groupes ont également constaté l’existence d’une traite des personnes et de dangers liés à la migration des talibés, notamment le transport illicite de groupes d’enfants talibés d’une région à une autre ou d’un pays à un autre, l’abandon de talibés dans des villes éloignées, et le cas d’enfants qui finissent dans la rue, après avoir fui une situation violente. Certains parents perpétuent ces pratiques en renvoyant plusieurs fois leur enfant dans un daara caractérisé par des abus.
Human Rights Watch estime à plus de 100 000, le nombre d’enfants talibés au Sénégal qui sont forcés par leurs maîtres coraniques – ou « marabouts » – à mendier chaque jour pour ramener de l’argent, de la nourriture, du riz ou du sucre. Un grand nombre de ces maîtres coraniques fixent un quota de mendicité, qu’ils font respecter en recourant à des passages à tabac souvent sévères.