Si Macky Sall avait la moindre considération pour les Sénégalais, il leur aurait épargné ces images odieuses de lui avec l’insulteur invétéré de la République. Mais dans quelle République vivons-nous ?
En voyant depuis Marianne, Kalifone Sall, le virulent insulteur professionnel du président de la République, Macky Sall, poser avec son désormais ex-victime, les Sénégalais de tous bords ont été estomaqués voire formalisés par la désacralisation abyssale de la fonction présidentielle. Si le calinours (synonyme de bisounours) Macky Sall avait la moindre considération pour les Sénégalais, il allait leur épargner ces images odieuses prises avec l’insulteur invétéré de la République qui enflamment la toile depuis quelques jours. Macky, en tant que personne humaine, peut faire preuve de mansuétude à l’endroit de toute personne résipiscente qui lui aurait fait du tort mais l’institution présidentielle qu’il incarne ne lui permet pas de s’afficher publiquement avec cet hurluberlu impudent.
L’institution présidentielle, c’est une toge dont il a le devoir d’entretenir propre pendant la durée de la mission que le peuple lui a confiée. L’acte posé publiquement avec Kalifone participe d’un processus de désacralisation de la fonction présidentielle enclenché le jour où le président Abdoulaye Wade a pris les rênes du pouvoir en mars 2000, et Macky Sall ne doit pas faillir ni faiblir dans la protection de l’institution présidentielle.
Mais dans quelle République vivons-nous ? C’est une question itérative que l’on rabâche depuis que le président Abdoulaye Wade, durant tout son magistère, a transformé le sanctuaire présidentiel en marché Sandaga où un laisser-aller indescriptible prévaut. On pensait que la rupture allait être opérée quand Macky accède au pouvoir. Que nenni ! La fonction présidentielle perd de jour en jour sa crédibilité à cause de l’irresponsabilité de celui-là qui a en charge de la préserver de toute vilénie.
Le président de la République incarne l’autorité de l’État, il incarne la Nation. Il est la clef de voûte des institutions et la « trivialisation » de la fonction présidentielle affecte et fragilise toute l’armature institutionnelle de la République. Cette dernière implique l’incarnation d’une autorité. Malheureusement Macky Sall confond autorité et autoritarisme. Depuis sa prise de fonction en mars 2012, l’État sénégalais souffre d’un laxisme orienté et d’un déficit d’autorité criant. Et l’absence d’autorité cède la place à l’impunité qui est le label de la gouvernance mackyste. Et lorsque l’autorité fait défaut, l’autoritarisme s’installe. C’est ce qui fait que les gens estampillés Bennoo peuvent détourner les deniers publics, verser dans la spéculation foncière, trafiquer de faux billets, frauder sur des passeports diplomatiques sans pour autant que le procureur du président de la République ne bouge d’un iota. Au même moment, « les peccadilles des gens de l’opposition sont jugées des cas pendables » pour paraphraser Jean de la Fontaine.
La fonction présidentielle dans la Charte fondamentale donne au président une fonction prééminente de clef de voûte des institutions et d’arbitre au-dessus des postures partisanes. Mais aujourd’hui, le peuple n’a plus aucune considération à l’égard de la fonction présidentielle à cause de pratiques récurrentes malsaines qui détonnent avec l’orthodoxie de gestion d’une République. Le palais est devenu une intendance où les militants et les transhumants défilent incessamment pour jouir des liasses de billets de banque que Macky Sall y distribue à tour de bras. À la présidence de la République, les délinquants et autres transhumants sont accueillis en héros et rémunérés à coups de millions pour une quelconque trahison politique. Djibril Ngom, le voleur sans vergogne des documents de Pastef, en est une illustration éloquente. Après les élections locales, on a assisté à un ballet de maires transhumants élus grâce aux voix de l’opposition qui n’ont aucune honte pour montrer publiquement leur détournement de suffrages. Ainsi le palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor se voit transformé en capharnaüm où des ludions, des aèdes, des histrions et autres transhumants éhontés viennent monnayer ostensiblement leurs ignominies.
Aujourd’hui, c’est le vibrionnant olibrius Cacophone (excusez l’antonymie) Kalifone Sall, dont le seul métier était de se mettre du matin au soir dans les réseaux sociaux pour arroser Macky Sall, sa femme, sa progéniture et sa parentèle d’insultes les plus sordides qui est exhibé au Sénégal comme l’exemple à suivre pour entrer dans les bonnes grâces de sa Majesté et jouir de ses libéralités. En accordant à cet anti-modèle une interview de 30 minutes là où des médias sénégalais connus pour leur professionnalisme souffrent, depuis 2012, pour décrocher deux minutes d’entretien, Macky a franchi un palier dans la désacralisation de la fonction présidentielle.
Aujourd’hui sa cible comme celle de toute la tribu de Benno, c’est Ousmane Sonko. Insulter le leader de Pastef est devenu, sous le régime de Macky, le métier le plus lucratif. L’avocaillon vide et bruyant El Hadji Diouf, le butor néo-transhumant Bamba Fall, la journaliste hâbleuse Aïssatou Diop Fall, l’activiste Bah Diakhaté et la maritorne Coura Macky l’ont tellement compris qu’ils ne mettent pas de gants quand ils se déchainent sur le Patriote en chef. En sus des insultes, ce sont des appels pressants au meurtre sur Sonko qu’on ne cesse d’entendre depuis la marée humaine réunie le 8 juin à la place de la Nation. Et jamais le procureur du président de la République ne s’est autosaisi là où le député Cheikh Bara Dolli Mbacké, couvert par son immunité parlementaire, est envoyé illégalement en prison pour un simple dérapage discursif.
Désormais, Macky Sall s’est ainsi astreint à une stratégie de communication qui postule l’idée selon laquelle les réseaux sociaux et la presse métropolitaine sont des monstres médiavores qu’elle se doit d’alimenter à toute heure. Et c’est ce qui explique, depuis un certain temps, la diffusion en boucle de l’image aimante du président qui pouponne la Première dame, histoire de gagner la sympathie des femmes. Cet exercice sans retenue de la carte de la « peopolisation » de la vie politique, c’est-à-dire de la publicisation de l’intimité présidentielle, risque d’avoir des effets négatifs sur l’image de l’institution car détonnant avec la culture et les valeurs de notre nation. C’est triste voire pitoyable de voir la Première dame, forçant le rictus, s’entretenir avec la personne sordide qui ne l’a jamais épargnée dans ses bordées d’insanités. Mais le comble a été atteint quand son mari de président a accordé à un simple tik-tokeur, insulteur professionnel, un entretien de plusieurs minutes sur de la roupie de sansonnet. Sa Majesté Sall a manqué de majesté en permettant au profanateur de la République de prendre publiquement avec morgue des selfies.
Lorsque l’ostentation médiatique supplante les valeurs de la République, la communication oblitère l’institution présidentielle. « Quand la politique se réduit à un show, elle devient un objet commercial comme un autre et non plus l’objet du service de l’intérêt général. Elle cherche plus à séduire une audience qu’à incarner la souveraineté populaire. Le seul storytelling que devrait se permettre un dirigeant doit être celui du roman national, pas une projection narcissique de sa personne à travers les institutions », dixit l’homme politique Jean-François Copé.
Il urge de restaurer la dignité de la fonction présidentielle bafouée, désacralisée par le comportement d’un chef d’État en mal de popularité qui pense que réhabiliter un gugusse gigotant pour insulter son principal adversaire politique pourrait lui faire gagner de la sympathie surtout en cette période d’incertitude électorale.