Le secrétaire général de Reporters sans Frontières (RSF) a exhorté jeudi le président sénégalais Macky Sall à respecter ses engagements en matière de liberté de la presse à l’occasion d’une visite à un journaliste emprisonné près de Dakar depuis trois semaines.
« Nous nous souvenons tous qu’à sa première élection le président Macky Sall a formellement annoncé qu’aucun journaliste ne serait en prison au Sénégal pendant son exercice du pouvoir », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, cité dans un communiqué de son organisation.
« Nous appelons le président Macky Sall à mettre fin sans attendre à cette infraction aux principes de la liberté de la presse », a ajouté M. Deloire à l’occasion de sa visite à Pape Alé Niang, à la prison de Sébikotane.
Patron du site d’informations en ligne « Dakar Matin », ce journaliste a été arrêté le 6 novembre puis inculpé le 9 novembre pour « divulgation d’informations de nature à nuire à la Défense nationale », « recel de documents administratifs et militaires » et « diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques ».
Lors de sa rencontre avec M. Deloire, le journaliste est apparu « mobilisé, déterminé, évoquant ses dernières enquêtes, qui lui ont valu d’être incarcéré », dit RSF dans un communiqué.
Selon les syndicats de la presse, les autorités lui reprochent d’avoir diffusé des messages confidentiels sur le dispositif sécuritaire autour de l’interrogatoire du principal opposant politique, Ousmane Sonko, le 3 novembre dans une affaire de viols présumés, et d’avoir appelé à descendre dans la rue.
Le placement de Pape Alé Niang sous mandat de dépôt a suscité une vague de critiques de la presse et de la société civile contre M. Sall. De nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme et l’opposition exigent sa libération.
« Il est anachronique de voir un journaliste en prison dans un pays comme le Sénégal, considéré comme l’une des démocraties les plus stables en Afrique et doté d’un paysage médiatique pluriel et foisonnant. Nous demandons aux autorités de libérer le journaliste Pape Alé Niang et d’établir un dialogue avec les acteurs de la presse. La dépénalisation des délits de presse n’est toujours pas effective au Sénégal et cela continue de poser problème. Les textes régissant les médias doivent être réexaminés », avance à cet effet Sadibou Marong, responsable du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
RSF vient d’élargir le champ d’action de son bureau de Dakar à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, soit plus de 40 pays.
« L’attractivité de la ville de Dakar est naturellement liée au niveau de la liberté de la presse dans le pays. Le Sénégal a perdu 24 places au Classement mondial de la liberté de la presse 2022. Une descente supplémentaire pourrait faire entrer le pays dans une logique de spirale négative très préjudiciable », rappelle l’organisation de défense des journalistes.